La lâcheté libérale

Un groupe d’amis se réunit dans un club, ils sont prospères croient en l’amitié fondées sur la solidarité et les idées de liberté.  Dans leur histoire passée, ils ont eu l’occasion de se soutenir entre eux, solidaires devant les adversaires et alliés devant les difficultés, mais maintenant prospères ils vivent en paix. Ils ont des amis plus lointains qui ne sont pas dans le club parce que plus récents et éloignés avec un passé différent, mais amis quand même parce qu’ils sont d’accord sur comment on se doit de vivre ensemble en préservant la liberté de chacun et puis les amis aiment avoir de nouveaux amis.

La prospérité du groupe d’ami est là grâce à talent libéral et humaniste qui leur fait établir de bonnes relations commerciales avec des voisins lointains. Avec ce commerce ils se pensent rusés et libéraux, pour se fournir en ressources ils traitent avec des agents lointains qui ne sont pas des amis parce qu’ils n’ont pas les mêmes idées sur la liberté, mais lorsqu’ ils en parlent dans leurs discussions, ils pensent qu’en « commerçant » avec eux ils vont se rapprocher des idées de paix et de liberté. Ces lointains partenaires commerciaux ont d’autres idées sur la prospérité, ils pensent qu’elle peut être organisée sur un modèle autoritaire, qu’il suffit d’établir une croyance dans l’unité et l’ordre, mais leurs échanges sont une sorte d’accord avec ces libéraux lointains qui financent leur forme de prospérité.

Un jour un ami lointain qu’il songeait à faire rentrer dans le club tant il est sympathique et semble comprendre l’essentiel de leurs idées sur la paix et la société se fait enlever par les voisins jaloux de son amitié naissante avec les étrangers lointains, il est pris en otage par des voisins agressifs sont les partenaires commerciaux du club d’amis.  Les voisins maintenant agressifs sont devenus puissants grâce au club d’ami, ils ont acheté, consommés, mais ils ont aussi renforcé leur mode de penser autoritariste.

Le club d’amis est « sidéré », ils répètent ce mot « sidérés », de telles choses ne devraient pas se produire dans un monde comme le nôtre.  Ils se fâchent, ils menacent, ils sont unis comme jamais.

Mais voilà, le voisin agressif de leur ami, est armé d’une double « force dissuasive » qui les dissuadent d’intervenir. Cette force dissuasive tous la connaissent et la pratiquent elle se substitue à l’amitié pour assurer la paix, mais cette fois elle protège les voisins agressifs. Cette fois le voisin agressif, joue une autre carte, il dissuade le groupe d’amis d’intervenir. Autre dissuasion, le voisin agressif tient une bonne partie des ressources nécessaire à la prospérité du club.

Alors que font-ils ? Ils sont toujours sidérés toujours scandalisés, ils menacent, puis ils se réunissent au Fouquet un bon déjeuner pour savoir comment sauver leur ami qui voudrait plus que jamais rejoindre leur club.

Ils ont le sens des responsabilités, ils ne veulent pas provoquer une bataille dans laquelle tout le monde va perdre.

Leur ami prisonnier, envoie de messages pour demander de faire parti du club, il tient bon, il devient un héros, le club en parle comme d’un héros et envoie aussi des messages de soutien.

Quand ils sortent du Fouquet après un bon repas, ils sont résolus à prendre des mesures de rétorsion contre ces voisins agressifs, mais ils sont raisonnables, ils pensent à l’année à venir et aux ressources dont ils ont besoins.

Ils parlent avec gravité du courage de leur ami et continuent à faire du commerce avec les voisins à cause de la double dissuasion qu’ils ont eux-mêmes établie.

La prospérité libérale serait elle une forme historique de lâcheté ?

La soustraction au cimetière

Je marche entre les tombes du cimetière de Puteaux et je me dis qu’on besogne sans cesse autour de l’existence et d’un coup, la mort retire la question comme ces professeurs de collège qui ramassent trop tôt les copies. A ce moment-là, au moment de se mettre à mourir, on doit se dire : « encore une fois c’est raté ! J’étais juste en train d’y penser ! C’est comme ça ! »  L’oubli de la condition de mortel occupe une bonne partie de la vie et puis juste au moment d’y penser, plus rien d’un coup. Ça doit être ça que disent ces grosses pierres de granit que les vieux viennent lustrer et couvrir de fleurs en plastique. C’est le travail d’une humanité en deuil qui vient en douce gribouiller son dernier paragraphe.

Dans ce cimetière, où je suis convoqué pour l’enterrement de mon ami, on passe comme ça d’une tombe à l’autre pour rendre visite à des petits mondes de pierres ornés de symboles colorés qui s’enfoncent comme des clous dans la terre. C’est en dessous de ça que se loge la mort, avec son cadavre qui besogne à rejoindre le grand compost, le vrai Dieu sous terre, pour plus que les siècles des siècles.

C’est bien ici que se fait le constat que la vie est partie et qu’il reste le cadavre et, pour bien profiter de cette occasion funéraire je me demande s’il s’agit d’une arithmétique élémentaire, d’une simple soustraction, qui serait quelque chose comme : j’enlève la vie, il me reste ce truc inerte ?

« Beau cadavre, solide cadavre, réponds-moi, s’il te plaît ! »

Mais, la mort toujours occupée à autre chose répond « je te le laisse réfléchir ». C’est ce que je fais en marchant dans ce cimetière.  D’ailleurs, je commence à comprendre l’idée de cette soustraction, il doit y avoir autre chose que le corps brut, une déduction, la mort retire d’un côté la vie et laisse de l’autre le cadavre. On dit « un corps sans vie ! » Alors c’est la vie qui fout le camp, pourtant on n’a pas souvent vu « de vie sans corps » ? C’est là que ça se complique et que revient la question, pour mourir, j’enlève quoi ? Peut-être que je tue simplement la question elle-même si je la pose comme ça ? Bon je vais laisser reposer cette métaphysique à l’ombre et rejoindre les autres pour les funérailles de mon ami.

En tout cas, ici c’est le repos et c’est beaucoup plus calme que là-haut. Il n’y pas les grandes termitières qui pointent vers ce ciel chapoté de sa brume de banlieue, ni les centaines de silhouettes qui se suivent et se marchent sur les talons. Ici, on se contente de petites plaques de marbre à la surface de la terre, de médaillons bombés pour la photographie du défunt, de regrets et de l’espoir éternels. C’est plus discret et ça représente un distillat d’humanité fait de petites unités rangées au calme. Alors, c’est peut-être ça le début de l’explication, entre là-haut et ici, séparés par la grande dalle de béton qui fait le signe moins, il y a le résultat de la grande soustraction. L’équation c’est : j’ôte la vie grouillante de l’employé de bureau, reste les tombes, ou quelque chose comme ça. Faut que je réfléchisse encore un peu plus à cette opération-là. Surtout que je vais devoir dire quelque chose aux autres, je le sens venir. Je vais y penser encore, finalement mon ami le chimiste a opéré la soustraction sur lui-même, c’est sa dernière opération d’inventeur d’algorithme et maintenant il nous reste son cadavre prêt pour les funérailles. Je vais marcher encore un peu ça va m’aider. Ici, c’est un bord, un peu comme la plage est le bord de mer, le cimetière est le bord de la vie. Pour s’étendre la mort a donné à chacun son petit emplacement géométrique sur le sol, c’est la serviette de bain, tout s’explique. Ce cimetière est une plage où se croisent les vacanciers des deux mondes, celui du dessus et celui du dessous. Sur ce bord-là, du côté des vivants, il faut vite parler, vite s’assembler et débrouiller une cérémonie sans vraiment savoir ce qu’on fait ici, mais faut se dépêcher avant que l’idée du dessous soit trop vive. C’est à ça que sert le petit commerce bavard du cimetière, les statuettes d’anges blancs qui regardent le ciel en prière ou penchent leur visage triste vers la pierre qui couvre le mort. Toujours la même antienne, l’espoir de se revoir, le chagrin du départ et sur le sol dans un rectangle.

Aujourd’hui justement, ce mortel mon ami proche, mon ami de lutte est allongé raide dans une grosse boîte en acajou vernis en préparation de son enfouissement au milieu des pots de fleurs jaunes, des arrosoirs parisiens en plastique vert et des visages rouges des assistants et manutentionnaires des pompes funèbres. Les thanatopracteurs ont fait ce qu’il faut pour rafistoler le cadavre et tout tient dans la boîte capitonnée. Après un démontage remontage des organes, on n’a rien trouvé d’autre que les traces d’une vie organique devenue trop fragile. C’est ce que m’a dit le médecin, il aurait succombé à ses propres faiblesses organiques trop longtemps tenues par la chimie des médicaments.

Le mort est là ! je vais encore essayer mon équation : mon ami moins la vie, soit : la mort, et le souvenir que je dois me fabriquer.  Il attend, juste là, il est devenu une énigme sans parole et sa masse inerte fait travailler l’imagination de ses collègues assemblés pour l’occasion, le cadavre dans sa boite absorbe leur inquiétude. L’opération de soustraction prouve son efficace en posant le cadavre de mon ami comme un simple résultat, comme le « et voilà monsieur ! » que dit serveur quand il pose le café sur la table. Lui, le cadavre de mon ami, il avait trois enfants et une femme. En vérité, il faisait croire à tous sauf à nous deux, ses amis engagés dans la lutte, qu’il avait trois enfants et disposait comme ça d’un ensemble familial commun à l’espèce. Il faisait ça entre autres choses pour se protéger des autres, de ceux qui sont là et de tous ceux qui ont un peu rogné son territoire dans le passé. Maintenant il est cadavre les deux bras le long du corps, le nez qui pointe sur le capitonnage blanc du couvercle et la famille est absente forcément. Personne n’est venu pour assurer le vrai deuil, pour faire la recette habituelle des sentiments de tristesse mêlés à l’inquiétude qui dit que ça va être le tour de chacun des vivants. Faut bien mourir un jour.

L’absence des personnages du deuil, complique encore le problème de la mort de mon ami. On attend tous devant le trou pour faire la cérémonie. Mais, faire une cérémonie mortuaire entre collègues de travail, c’est pas évident, faut se creuser la tête aussi.  Du coup, ça tourne dans les têtes voisines et ça produit un brouillard de paroles confuses. Pour toutes ces raisons-là, il va falloir que je dise quelque chose, si je veux qu’on en finisse avec le deuil. Bon matériellement, c’est simple, il est mort, inerte, on pourrait le toucher comme un objet et on sentirait la chair roide, on lui a remis la veste du costume et sa chemise sur la cage thoracique qui a été découpée puis soulevée comme une trappe pour inspecter les organes et chercher la cause du décès. Sur son visage l’expression du vivant a foutu le camp et il reste le portrait de ce qu’il a été, un portrait tiré noir et blanc sur de la chaire morte. Je voudrais bien qu’on se dise qu’il s’agit du simple rituel de passage entre ce qu’on croit être le vivant et puis tout le reste. Comme ça, je pourrais dire : « le cadavre fait un souvenir pour la vie et cadeau pour la mort. » Mais c’est plus compliqué encore, parce qu’il manque quelque chose et puis, si je dis ça, je vais pas être compris tout de suite. Enfin je crois, faut de l’attention pour se faire comprendre comme ça sans ambages dans le voisinage immédiat d’un cadavre. Je m’installe au milieu du groupe de mes collègues de travail, devant nous il y a le trou aux dimensions réglementaires du terrain commun et du service ordinaire, soit une longueur de deux mètres trente sur une largeur d’un mètre. C’est la modeste mesure de la dernière emprise pour le mortel, son inscription dans le dernier cadastre. Comme la terre est meuble, le rectangle est net et bien formé, creusé à la mini pelleteuse de cimetière à l’empattement étroit et montée sur chenilles de caoutchouc, puis fini à la bêche droite par les trois fossoyeurs dont un qui fume encore des cigarettes à papier maïs. Le trou est vide comme l’orbite d’un œil, aveugle, il attend son cadavre parce que la terre n’a pas d’yeux pour les vivants, mais plein de petites mains pour les reprendre par petits morceaux et fabriquer d’autres vies plus détaillées sous terre.

L’emplacement réservé pour mon ami est situé à l’est du cimetière de Puteaux et c’est là que, dans ce silence sotériologique qui embarrasse les vivants, le trou et le cadavre discutent en patois métaphysique. Ils font ça sans modestie comme des ivrognes de rue qui se tapent sur l’épaule. Les vivants debout à côté du cadavre allongé dans sa boite brillante posée devant le trou. Ils ont été convoqués pour enterrer celui avec qui ils prenaient des cafés dans des petits gobelets en plastiques dans les petites pièces réservées aux machines à café. On boit ces cafés avec de petites aspirations rapides, pour ponctuer la banalité de la conversation. C’est quotidien et simple. Maintenant il est mort, plus de café et pas de famille. C’est comme une réunion de travail de plus mais avec un mort et un trou comme ordre du jour. Dans la boite, le cadavre est maigre parce que la chair est tombée avant de devenir rigide et de blanchir.  Du coup, la peau du visage s’est tendue et la bouche s’est ouverte sans qu’aucun souffle ne passe autre que les gaz de la décomposition active qui sortent aussi par les grandes entailles faites dans la chair. La soustraction de la vie a, de manière conclusive pour l’expérimentaliste, laissé un vaisseau de chair morte et vide.  De près, on voit bien qu’il a été quitté brutalement. C’est la vie qu’a eu autre chose à faire, une autre affaire urgente ailleurs, elle a passé la porte comme ça. Pourtant on ne sait pas dire par où ni comment, c’est parti. Il a toujours les petits yeux,  la chevelure fine soyeuse, plate et claire. Il ne pesait pas grand-chose vivant, mais maintenant,  il a son poids inerte pesé par ceux qui l’ont transporté. Le mort est comme le nouveau-né, il ne marche pas et il grimace.

Un visiteur du cimetière sans lien avec notre mort se promène. Il passe à côté de notre groupe étrangement en deuil et qui serait plus à sa place dans une inauguration ou un séminaire d’étude. Le visiteur poursuit devant la tombe d’un autre homme, mort depuis trois ans, je le vois un peu rêveur,  et je me dis que dans sa tête, il y a cette pensée : « Il n’y a pas plus que les étoiles dans le ciel ». Ça n’explique pas la mort du particulier, ni même le grand mystère, mais ça lui vient comme ça à force de lire les inscriptions sur les plaques. C’est un petit résumé qu’a dû se former après la traversée pensive des allées du cimetière. Faut croire que la pensée est comme une maîtresse exigeante pour la vie, même au cimetière. Encore que ! On peut se demander à quoi elle tient  dans cette affaire ? Penser la vie ou bien penser la mort ? Mais ce visiteur en pantalon de velours côtelé se contente de cette pensée-là. Après, il entend peut être des bribes de la conversation de notre groupe qui attend une véritable cérémonie pour se disperser. Ils disent : « Ça n’explique pas pourquoi….

Je ne comprends pas pourquoi il n’y a pas la famille. Les enfants les parents. »

Ils sont tous regroupés autour de moi sur les bords du trou, juste devant l’enfouissement. Ce serait le moment de parler du thème du retour à la poussière et de regarder naître les larmes sur les visages des proches. Il faudrait que le rideau habituel de tristesse se déroule. Mais la fiction qu’avait fait vivre le vivant a disparu avec lui, c’est comme ça que la mort a pris le monde par surprise. Il est mort et sa famille aussi. Alors autour du trou fait entre ciel et terre le groupe attend que le chagrin vienne en délégation. Mais il n’y a que des anges de plâtre pour porter la contrition.  C’est comme ça, sous le ciel brumeux, le cimetière est tranquille. La petite foule se sent stupide parce qu’il manque ce chagrin du deuil. Chacun est venu avec sa compassion préparée au moment du matin, prêt pour la déposer modestement en arrière du véritable deuil porté par la famille, ils sont tous venus avec le petit remâché de la mort de l’autre qui sonne comme « ah tiens il est mort », un peu d’étonnement mais pas encore du Bossuet. Ils voulaient aussi ramasser un peu de cette tristesse authentique qui doit être émise quand meurt un membre d’une famille.

Dans le lot des endeuillés distants, simples collègues de la même salle, je vois un petit bonhomme qui va s’acheter une maison et s’installer solidement dans la vie, il doit signer ce soir, il va retrouver sa jeune femme chez le notaire. Il pense fort à ce moment à venir pour compenser le point final du trou ouvert sur la mort. Ce trou-là l’inquiète, ça ne tient pas dans son agenda du moment. Il y a plutôt les chambres des enfants, les calculs du crédit et toute la gymnastique de l’espoir qui tend les muscles du vivre heureux.

Juste à côté de lui, Il y a celui qui pense au travail qu’il a laissé sur son bureau et se tient la main crispée sur son petit instrument électronique qui anime tout ce qu’il doit vivre dans la suite de la journée. Plus loin encore, tout autour du cimetière, il y a de nombreux vivants. Ici, la banlieue est bien installée et de gros chantiers ont planté des grues rouges qui préparent l’avenir. Les trains sont souvent pleins et denses ; vies et odeurs. Les routes portent le collier des voitures. La société adulte, moderne et motorisée est tout autour et notre groupe ressemble comme çà à une délégation du monde environnant face à la mort et au trou encore ouvert dans la terre du cimetière, mais sans savoir quoi dire.

C’est la banque d’investissement de là-haut dans sa tour, moderne électronique et libérale qui paye ses funérailles parce qu’après enquête par le service des ressources humaines qui s’est mobilisé jusqu’à la direction générale, on n’a pas trouvé de famille proche. Ils ont fait vite. Il est mort au travail et au mauvais moment. Ils ont fait la danse de l’ombre autour de lui sans trop nous poser de question à nous deux les survivants de la lutte.  Un témoin de sa mort devant le trou du cimetière dit : « il revenait d’une pause ou d’une promenade, je ne sais pas au juste, il s’est assis à sa place sacrée et puis il est tombé sec sur son avant-bras. J’ai entendu le bruit toute la salle a frissonnée et j’ai même vu sur un de ses écrans que son poids mort faisait une déformation extraordinaire sur le petit dessin de la surface de volatilité comme un filet de pêche qu’aurait attrapé un rocher et qui serait tiré vers le fond de l’eau. »

Il fait un peu le crétin ce voisin de travail mais il a raison, il travaillait sur la déformation d’une surface qui à l’approche de la maturité se relève dans les coins et prend la forme d’un sourire. C’était son boulot, il faisait ça pour toute la salle, pour les jeux d’argent de notre banque. Chaque instant, une évaluation, un calcul sur les risques pour dire ce que valent les entreprises humaines et toute l’énergie que consomme le progrès.

C’est vrai qu’en  levant la tête depuis le cimetière au-dessus des  feuilles des arbres qui l’entourent on peut voir notre tour.  On est descendu tous de là-haut comme de l’acropole pour venir ici, trop nombreux et ridicules. Du coup, tous ils regardent, ils évaluent la familiarité qu’ils pourraient avoir avec la mort. Ils cherchent en tournant la tête la partie manquante du deuil. Ils se tiennent en retrait pour laisser place à une famille qui n’arrive pas.  Un autre dit : « Bizarre comme façon de mourir ? »

Puis s’enchaînent les « il était », ça fait une série de petits médaillons qui évoquent le vivant qu’il a été. Mais le trou est toujours bouche bée.

Plus loin, il y a cette femme très vieille qui passe et repasse entre les tombes. Avec son appareil photographique qu’elle utilise comme un instrument de recherche optique, elle enregistre tout le décor et les personnages. Comme s’il  n’y avait rien d’autre à faire que de photographier. Son allure est particulière. Elle regarde dans toutes les directions avec la vivacité d’un œil de rapace. Elle va s’asseoir sur un banc et consulte un petit carnet. Elle se tourne vers le groupe. Passe sous les tonnelles de rosiers grimpants, revient en arrière pour prendre encore des photographies. Personne n’ose protester. Mais tous se demande ce qu’elle fait là. Son âge a fait sécher la peau de son visage et ses yeux tournent quand elle baisse son appareil. Elle porte un manteau de laine grise et une écharpe croisée. Elle se déplace vite en dépit de son âge. Un moment, ils la regardent tous comme si elle allait apporter une solution au problème du trou et de béance.

Faut dire que le cimetière de Puteaux est divisé en deux parties qui sont les projections sur le sol des façades des tours de la pointe ouest du quartier de La Défense. Les vitres de ces bâtiments verticaux sont découpées sur la même trame que les sections et les tombes du cimetière. Au travail,  de là-haut on peut, par les vitres, observer les tombes. C’est le même esprit de géométrie qui a organisé la vie au bureau et la mort au cimetière. Ça donne une idée de la suite.

Ici, en bas, la terre porte les morts, employés ou non, sur des petits lopins traversés par des allées. Avec précision, chaque pierre tombale est là pour lester le souvenir d’un vivant.  Un vivant, une pierre, avec quelques variantes pour les soldats de la dernière guerre et ceux qui ont choisi l’incinération. A chacun son lopin, c’est le dernier allotement terrestre qui ouvre sur le grand compost, dieu naturel père de tous les dieux imaginés avant de mourir. Ici, il n’a pas d’autre culte que l’attente et sous l’espèce de l’éternité se réalise en dessous l’efficace de la transsubstantiation grâce à des petits animaux diligents.

Ce cimetière est peu fréquenté. Du coup, le lieu est calme et d’ailleurs avant la mort de mon ami j’y venais faire la sieste. Les tombes les plus récentes sont faites de granit brillant et lustré qui contraste avec les vieilles tombes de pierre calcaire. Le cimetière n’est pas plein. Il reste de la place, il y a une affiche de publicité qui invite le visiteur à réserver sa place près d’une pelouse soignée qui attend d’être percée de ses rectangles à mort. Plus loin dans une section réservée aux croix blanches bien ordonnées on a rangé les militaires morts dans la machine de guerre et dans le fond entre deux murets de granit qui portent les noms, une étrange sculpture pour les déportés du dernier holocauste connu. Le sujet de la mort est traité dans tous les styles et illustre l’idée que mourir n’est pas simple pour celui qui est encore vivant.  D’ailleurs, je ne sais pas quoi dire pour libérer cette troupe qui s’impatiente et je piétine avec des raisonnements bizarres.

Je me souviens que petit j’ai eu l’impression que la mort avait un avant-goût, comme une annonce, ou encore comme un avertissement technique qui prépare le bonhomme à la fin. Ça m’est venu quand je rentrais à bicyclette jusqu’à la maison à la campagne. C’est peut-être pas le bon moment mais ça me revient, Je venais de goûter le début d’une journée claire au milieu des buissons secs de cette région sud. Chaque jour, je faisais la même promenade, je grimpais la petite route droite vers le hameau qui coiffe une colline. De là-haut à côté de l’église de pierre dressée d’un campanile, il y avait un belvédère qui donnait la vue sur toute la région. Au bord, il y avait une table d’orientation en lave émaillée. Toutes les directions du monde en rayons et petites vignettes colorées qui pointent vers le lointain jusqu’à New York écrit en caractères bleus à côté de trois gratte-ciel célèbres.

Je monte le matin sur ma bicyclette et grimpe au travers des petits bois de chênes verts. Je pousse fort sur les pédales parce que ce village là-haut est encore silencieux et à cette heure, il y a un grain particulier dans l’air et le ciel est bleu brillant. Arrivé en haut, je pense aux livres illustrés d’histoire et je reviens sur mon histoire inventée de la veille quand j’étais seigneur j’avais conquis par un tournoi un bout de la province d’à côté. Une histoire qui se raconte presque toute seule après je reviens sur les chemins du château avec mon gonfalon et  j’entends les chants des ménestrels.

Pour achever mon invention avant de descendre, j’observe la vue alentour, et je suis chevalier. Je me vois galoper sur la crête. J’entends les sabots de mon cheval qui frappent le bois du pont-levis.  Mon cœur se gonfle et le ciel couronne bienveillant mon rêve éveillé. Il faut maintenant redescendre. Je prends la bicyclette appuyée sur le muret de pierres du belvédère. Je glisse dans l’air sec en passant devant les maisons du village. Rien ne bouge encore à cette heure du jour. L’air caresse. C’est en arrivant en bas devant le petit bois de chênes verts que je sens le truc pour la première fois. Un goût, une sensation pas définie mais précise. Comme l’odeur du métal très rouillé qu’on frotte. En tous cas quelque chose venu de nulle part et je ne sais pas pourquoi. J’ai compris à ce moment-là que ça devait être l’avant-goût de la mort, comme si le passage se faisait par ce goût-là. Après ça j’attendais que le goût vienne pour me dire, maintenant, c’est le moment, je vais mourir.

Ça m’a laissé un creux qui a grandi et depuis j’ai toujours su que je devrais mourir vers midi. Mais c’est mon ami qui est mort en premier.

Comme rien ne vient, le conseiller funéraire et son porteur font un tour de l’assistance pour chercher une première réponse.

Le conseiller dit : « Il n’avait pas des enfants ? »

Le porteur demande : « Où est la famille ? »

Le porteur est gros et son visage est taché de violet. Son costume noir fait des accordéons au-dessus de ses chaussures à semelles souples. Le conseiller, lui est plus fin, plus actif surtout pour percevoir les expressions de chagrin, mais il n’y en pas, alors son visage se ferme, devient plus technique.

« C’est pas une situation ordinaire. » conclut le porteur puis il se remet en position d’attente. Avec la chaleur des premiers verres de vin blanc qui lui chauffe les sangs.

Une petite femme en manteau blanc appuyée sur une canne passe devant les tombes qu’elle détaille, familière du cimetière, elle va décrocher un arrosoir en plastique à côté de la fontaine et avance vers sa besogne. Elle tourne la tête en direction du groupe bien éclairé par une lumière précise. La banlieue tout autour ronronne. Depuis cet endroit du cimetière on aperçoit au sud la jetée de bois qui part de derrière la Grande Arche et, vue d’ici, la jetée fait comme une langue de reptile sortie du cube à facettes biseautées de la grande arche. Avec le cimetière installé comme ça au bout de L’esplanade de la défense on pourrait croire que la jetée sert à livrer les employés en fin de vie dans le cimetière. Ils piétinent la dalle de béton durant leur vie puis le bois sonore et tombent dans les trous. C’est ici que sont les confins du monde des employés, l’endroit de l’autopsie sacrée qui ouvre les portes souterraines du ciel. Et là-haut il y a l’acropole plantée de totem du monde habité.

Le prince se dit en lui-même : « ça va me tomber dessus, il faut que je dise quelque chose pour finir et donner le signal de dispersion que tout le monde attend. L’assistance est faite de mes collègues de travail, ils tournent leurs yeux en grains de raisin vers moi, je suis leur chef par accident du destin depuis une décennie. Du coup, je suis aussi commis à réfléchir dans toutes les situations étranges.  Je me dis mourir bien sûr, ça va avec  la condition de l’homme. C’est une idée facile à dire. D’ailleurs c’est surtout la mort des autres qui est familière. Ça voudrait dire qu’il n’y a que les autres pour mourir. C’est peut-être la conclusion que je peux faire devant ce trou et ce cercueil où y il a mon ami. Les autres sont mortels, moi c’est autre chose encore. Je dois penser que je suis immortel. Puisque chaque matin, même aujourd’hui où j’ai plus de cinquante ans, je suis comme certain que ça va continuer. C’est vrai, j’ai beau tourner le truc dans un sens ou un autre, mourir pour moi ça reste un truc inconnaissable, s’il n’y avait pas les autres pour mourir. Finalement vivre, c’est voir mourir les autres et l’ignorer pour toujours pour soi-même. On se donne comme ça, une sorte d’éternité en regardant devant, la journée à venir, la nuit de sommeil, les calendriers. Cette invention du temps ça fait que la vie c’est l’ignorance de la mort. Comme ce cimetière avec en surface ces morceaux de pierre. Trou après trou, il avale les vivants et les recouvre. Si la vie c’est l’ignorance de la mort. Il n’y a de connaissance de la mort que par le voisinage. C’est un peu ça, la mort vit dans le voisinage et ce cimetière est là pour ça. Du coup la vie se retrouve cernée par la mort comme quelque chose qui semble lui donner du sens. Est-ce que c’est l’ignorance de la mort qui donne du sens à la vie ? Fantômes, nous marchons comme des fantômes sur la surface de la mort. Fantômes confiants dans la vie.

Ils sont toujours autour de moi à murmurer. Bon je vais pas dire tout ça parce que c’est trop confus. »

Ce jour de cérémonie le cimetière est bien fleuri. Une tombe est couverte de couronnes de fleurs et le parfum des corolles respire sur la tombe au-dessus de la pierre et du mort. Plus loin, il y a un autre enterrement, et les gens là-bas sont à leur affaire bien plongés dans le vide d’une présence qui n’est plus de ce temps. La convocation des âmes douloureuses s’est faite proprement et ils sont cimentés par la collectivité du sentiment de deuil. Nous c’est plus compliqué.

Maintenant, je vais dire quelque chose de simple à propos du mort. Faut que je fasse le tri dans mes pensées…je pourrais.. le chimiste, mon ami, le mort, n’est plus qu’un poids de soixante-six kilos de chair et d’os inertes rangés sous ce bois vernis. Il est mort à l’âge de quarante-huit ans enveloppé dans une histoire imaginaire. Pour tous les autres, sauf nous trois, c’est un inconnu comme les soldats voisins sous les croix blanches. Je me souviens qu’il était usé aux manches comme les cols de ses chemises. Le cadavre est dedans, je l’ai vu quand on l’a emporté de l’infirmerie vers la morgue. Là-bas il a été examiné par les docteurs du cadavre. C’est eux qui ont découpé la trappe dans la cage thoracique pour atteindre les viscères. La cause médicale de la mort a été écrite par le médecin et on a rhabillé le cadavre. On a remis les organes dans un ordre approximatif suivant les prescriptions du médecin. Puis les thanatopracteurs ont achevé la recette de la mort pour la descente finale dans le trou, parce que le désordre jusque dans la mort est scandaleux, pourtant c’est plus qu’un objet soumis à la gravité qui nous colle tous à la planète. C’est d’ailleurs pour ça qu’on va l’enfouir avec une cérémonie. Mais je vais pas dire ça non plus.

Finalement, je finis par m’entendre dire à haute voix : « Bon, j’ai pas beaucoup de chose à dire. Je l’aimais bien. Maintenant il est mort. Reste à se faire une idée de lui en son absence.  Voilà, je vais garder son souvenir. Je crois qu’on peut remonter maintenant. »

Je vois tout de suite que ces petites paroles prononcées avec application ont redonné la confiance au groupe. Ça va mieux, ils sont soulagés d’apprendre que le banal de la vie tient encore face à l’appel du vide. Ils se remettent, changent de position et faute de mieux, ils ont le sentiment de satiété, ils reprennent des petits mouvements et parlent avant de repartir vers le monde du haut pour retrouver les tours.

Moi aussi je vais remonter et, après ce point final mis à la vie de mon ami, je devrais pouvoir continuer à vivre.  Je suis en bonne santé. A midi, juste avant l’enterrement, je suis allé à la visite médicale obligatoire pour tous les employés de la banque. D’ailleurs, le matin au réveil, je me suis préparé à ces deux événements coïncidents de cette journée, inscrits dans mon agenda électronique, l’enterrement et la visite. Pour la visite, j’ai veillé à la propreté de mes sous-vêtements, parce qu’il faut monter sur la balance en caleçon devant la femme docteur, ça oblige à vérifier la tenue pour préserver sa dignité. J’ai observé dans le miroir de la salle de bain les poches de chair blanche qui par endroit couvrent mon corps. Sous cette peau-là, j’ai cherché les traces qui pouvaient annoncer la fin. Je pensais déjà à mon camarade raide dans sa boîte. Je me suis demandé aussi comment j’allais faire sans lui. Mais, à ce moment-là je me suis dit qu’à regarder de près comme ça, la chair ressemble à un repas, ou encore mieux à un plat, ça m’est venu de penser : « Je suis un plat ». Après, cette idée m’a semblé bizarre. C’est comme ça que j’ai commencé à penser à la mort comme une question de plus. La mort de mon ami le chimiste est tombée comme une grosse pierre sur ma vie qui se fabriquait mécaniquement en collier de journées et maintenant, le véhicule mental qui m’emmenait chaque jour est tout écrasé comme dans un accident de la route.  Alors, nu devant la glace à observer les détails du corps blanchi, j’ai su que les journées n’auront plus d’ossature qu’il fallait que je donne un second épisode à notre lutte même après la mort de notre ami le chimiste.

Après, je me suis observé comme un peintre pour réfléchir à la composition. J’ai trouvé que le haut du corps forme comme un coffre posé sur des jambes trop frêles, j’ai plongé dans le teint blanc un peu sali de mes yeux et puis j’ai fait des grimaces devant la glace, comme les masques des rituels pour se faire peur ou faire peur à l’inquiétude. Après, j’ai choisi la couleur des vêtements et je suis parti. De toute façon, la question est déjà montée en graine dans mon potager intérieur.

Quelques pas plus loin, au fond du cimetière entre des arbres, adossé au mur de pierre, un groupe statuaire en bronze représente des gens qui attendent, comme on attend sur le quai d’une gare ou à l’arrêt d’un bus. C’est un petit groupe compact d’une douzaine de personnages fragiles et réels. Au milieu du groupe, il y a un homme en manteau qui porte chapeau et petites lunettes rondes avec juste à côté une femme en manteau aussi, ils ont chacun leurs deux mains posées sur les épaules d’une petite fille, derrière, il y a d’autres hommes aussi en chapeaux ou casquettes. Ils sont tous de face et la partie basse de leurs corps se dissout dans une masse de bronze qui fait comme un gros rocher. Je peux me promener maintenant que les autres se sont dispersés et qu’on a descendu vite fait la boite dans le trou, qu’elle a reçu les premières pelletées de terre et répondu par une série de sons mates. Mon ami est mort et enterré. En réalité je n’ai plus que ça à faire me promener pour trouver comment finir la journée et répondre à plusieurs questions nouvelles, fraîches comme des pommes posées sur la table.

Entre les allées et plus loin vers la pelouse, là où il y a des places libres pour les nouveaux arrivants parmi les morts, Anna est assise sur un banc. Anna n’est pas comme les autres et c’est le moins qu’on puisse dire d’Anna.  De là où elle est assise on aperçoit le groupe de bronze. Quand j’approche, elle me fait signe et dit en pointant son doigt vers le groupe : « vous voyez cette petite fille au cartable, c’est moi ! Je veux dire, ça pourrait être moi, je suis juive, comme eux. Enfin, je suis liée avec les barbichus de l’est, les vendeurs d’oie du ghetto, les violonistes et  les savants de la torah, je ne sais pas vraiment dire plus, parce qu’en vérité, je ne connais pas le détail de cette filiation. Ce que je sais, c’est que je viens de là. Je veux dire mes parents et surtout mes grands-parents. Vous voyez la gentillesse qu’il y a sur ces visages, elle ressemble à celle des photographies qu’il y a dans un de mes tiroirs. Ça m’a travaillé longtemps ces figures innocentes qu’ont l’air d’être destinée à rester comme ça dans un portrait de l’innocence ou quelque chose comme ça. Regardez-les ! Ceux-là, en vérité ils attendent la mort, c’est sûr. J’ai dans l’idée que mes ancêtres, ils donnaient aussi l’impression d’attendre sagement quelque chose qui tombe du ciel. Mon vieil oncle, le seul que j’ai connu de cette espèce, disait, « le petit violon, si tu vois le violon, alors tu entends ce qu’il est capable de dire. C’est lui qui lance dans les airs les lettres et les mots. Il fait sa conversation avec toutes les âmes des onze justes qui accroche l’humanité à l’homme. C’est une musique qui passe bien au-dessus des murs.  Mais il y en aura d’autres, toujours d’autres qui vont venir et enfoncer leur talon dans le petit instrument de bois qui va craquer et sa petite âme qui n’est qu’un petit bout de bois va se coucher dans le coffre, au milieu des autres éclats de voix. Le violon, c’est pas grand-chose, quatre cordes quelques bouts de planches de sapin creusée.  Alors, ici, il faut trouver son chemin entre les talons des bottes et le chant du violon. »

Bon j’ai jamais vraiment compris ce qu’il disait, l’évocation est restée dans ma tête, alors que je vivais, que je vis dans un autre monde.  Mais j’ai parfois l’impression d’avoir suivi les talons, plutôt que de regarder dans le ciel si je vois passer les lettres du violon,  Anna assise sur son banc, brille comme les petites flammes bleues du gaz dans l’ombre de la casserole dans la cuisine le soir, elle continue, j’avais un grand père qui vendait des poulies, toutes sortes de poulies en bois en acier en cuivre spéciaux pour l’industrie et les fabricants de grues. Certaines étaient douces au toucher, d’autres énormes mais elles avaient l’air un peu esseulée quand elles attendaient de partir rangées en rang dans l’entrepôt.  Toutes ces poulies se faisaient dans la fonderie de sa petite usine.  Selon le psychiatre de l’époque mon grand-père était dipsomaniaque et comme ça à intervalle régulier, il disparaissait dans une chambre d’hôtel et buvait de l’alcool jusqu’à tomber d’inanition. Les poulies se vendaient bien, aussi il était devenu riche. C’était un homme riche de province, qui n’avait pas fait de gros efforts. Il  avait l’air d’attendre quelque chose en tournant en rond dans sa maison bourgeoise en province. Le monde glissait sur ses fenêtres et il usait son ennui par les crises d’alcoolisme et puis il est mort.  Je me suis mis en tête que le monde a des fenêtres et une seule porte et après j’ai continué à creuser cette question-là en pensant aux poulies dans l’entrepôt de mon grand-père et à ses crises éthyliques et maintenant, c’est comme ça, je les regarde ceux-là en statue pris dans le bronze et je ne sais toujours pas de quel côté je suis, elle prononce les paroles avec une douceur inhabituelle, les phrases qui sortent à peine pensées de sa tête tombent des arbres du cimetière, sur son visage je vois passer les visages de sa famille. Elle continue, dans cette famille qui attend, il y a des cousins de mes parents. Ça, c’est le petit paquet enveloppé par l’histoire que j’ai reçu en héritage. La mort de votre ami, ça a quelque chose à voir aussi avec les talons qui tapent le sol. C’est votre petit paquet à vous. Ça m’a turlupiné un moment ce petit paquet de l’histoire. Mais j’ai pas pu savoir. L’histoire s’est comme dissoute dans la porosité du temps et puis à regarder notre monde… Bon, l’histoire est dans des livres pour qu’on puisse tourner la page. Dans la page d’après tout va bien puisque c’est le progrès qui anime l’histoire. Mais voilà, ça fait maintenant dix ans que je me demande ce que je fais et que je me demande si je ne suis pas en train de sécréter comme un insecte les barreaux de ma prison. Par petite unité chaque jour. Je vous ai observé, vous autres tous les trois, là-haut dans la salle. Je me suis dit que ça peut passer comme ça, si on se raconte des histoires à trois. Mais voyez maintenant, il est mort lui aussi.»

Elle fait un bref silence, et tous les deux regardent encore le groupe de bronze.

Je connais Anna, dans la grande salle des marchés de la tour, Anna c’est pas l’humanité ordinaire, c’est une déesse guerrière et une réfugiée de la route de l’exode. Anna est assise; droite et élégante sa fine stature, ses yeux brillants et un caractère posé sur une ossature de fer avec une étrave de brise-glace ou quelque chose comme ça. Anna c’est celle qui traverse le monde parce son tranchant s’est effilé sans fin sur la pierre de la réalité.

Maintenant dans le cimetière, elle regarde la tête tournée d’un petit quart comme un rapace perché qui observe un mouvement dans le pré. Certaine que la vigilance lui servira à trouver ce qu’elle cherche.  Ceux du groupe de bronze, ils attendent toujours, une attente en bronze, protégé par l’oxydation verte. Heureusement,  parce que la plupart du temps il n’y a personne, sauf quand, par hasard un visiteur venu voir un de ses proches, ou changer les fleurs passe devant. Ils pourraient attendre l’autobus  qui passe devant le cimetière, mais c’est pas ça qui les attend.  Le cimetière attend que quelqu’un passe voir au bout de cette allée ceux-là qui ont attendus pour partir. Ça fait une allusion au milieu de la mort artisanale, à la mort industrielle. C’est comme quand la neige tombe qu’elle couvre tout de l’élément simple et blanc. Le manteau de la neige et le manteau de la mort capables tous deux de tout couvrir avec calme.

Tout autour d’Anna, la lumière traite les choses avec douceur. En face du banc, les allées sont bordées par des piliers de granit grossièrement taillés qui supportent une pergola tissée de grosses tiges de rosier fleuris. Il y a les premiers bourgeons sur les arbres et un merle perché sur un des cerisiers. Anna dit : « une cérémonie brève, ça donne une idée de l’effet que peut faire l’absence. »

Un chat noir avec un écusson blanc sur le poitrail prend une posture sur une vieille tombe fait d’une grosse pierre blanche.

Anna se lève d’un coup du banc pour attraper un petit morceau de bois, un petit morceau de racine arraché du sol lissé par les pluies passées et séché au soleil. Elle se retourne, hésite et montre à nouveau le groupe de bronze entre les deux plaques de granit dressées, elle dit en se tournant vers le groupe : « le chat n’a pas d’histoire. Pourtant, celui que j’ai à la maison a toujours l’air occupé avec quelque chose. Quand je les vois, eux, je me dis que ce bronze qui forme les personnages me tient aussi au milieu d’eux. Elle se redresse et dit : « alors pour ce chat interrogateur, j’ai question pour question, j’aimerais savoir ce que c’est la vie vue au travers des yeux du chat. Je me demande souvent qu’est-ce qu’on vit vraiment. Je sais pas si vous voyez le contenu même de la vie,  est ce que c’est palpable, au moins mentalement. » Elle tend le bras vers les grues voisines qui tirent sur leurs câbles des goulottes à trompe d’éléphant chargées du béton encore liquide. Je soupçonne ce monde d’être une enveloppe blanche, le cocon d’une espèce humaine qui va vers autre chose. Elle a fait quelques pas sur l’allée en terre sèche et fin gravier et en fixant ses deux yeux sur moi, elle dit : « en tout cas, il est mort maintenant et c’était votre ami. » Elle marche un peu plus sur l’allée qui passe entre les deux dalles de pierre dressées où sont inscrits tous les noms de ceux qui se sont fait embarqués pour le voyage vers l’industrie de la mort. Derrière ce mur c’est le pied de la tour et sa carapace vitrée.

Sur la pierre de la tombe chauffée par le soleil le chat observe les yeux presque fermés la pie qui saute sur les branches du cerisier voisin. Le chat, au moins en apparence, n’a pas répondu à la question d’Anna, installé comme il est sur son estrade de pierre, juste devant une petite plaque de marbre blanc où sont gravés en lettres dorés les regrets éternels d’une famille pour un défunt et à côté d’un vieux vase en fonte renversé sur la pierre. Derrière lui, il y a le pavement de pierres tombales hérissées des symboles religieux. La chevelure d’Anna est bouclée faite de cheveux longs qui sont arrangés dans un désordre volontaire. Elle dit : « Vous voyez, ici c’est le lieu des face à face, je vais vous dire ce que je pense de la mort, de la mort de votre ami et de la mort industrielle. On est familier avec l’idée de l’humanité, n’est-ce pas ? C’est-à-dire qu’on baigne dedans comme dans le premier lait de la morale collective. Etre humain, c’est une condition morale ! Et ce cimetière c’est bien l’endroit pour se demander ce qu’il en est de l’humanité. Alors, on se dit aussi, le contraire de l’humanité c’est l’inhumanité, c’est comme s’il y avait un territoire moral pour l’humanité et en dehors c’est l’inhumain, par exemple…la sauvagerie, le chat en plus grand qui bouffe une gazelle à pleines dents. Mais pour eux, ma famille de bronze la sauvagerie c’était science et technique de l’ingénieur qui les attendaient, rien à voir avec la bestialité, au contraire, la raison humaine, les calculs, les plans. C’est dommage pour les humanistes, mais avec cette fois-là, l’humanité culmine et la civilisation a convoqué tous les ordres confondus pour organiser le massacre. Bon la mort du chimiste c’est pas la même chose ?

Pourtant, réfléchissez il y a aussi de la technique dans nos trafics de là-haut, c’est le moins qu’on puisse dire. Lui, votre ami, le chimiste est mort en pleine paix bourgeoise dans notre lieu de culte installé sur la pointe avancée du libéralisme économique. Plouf sur son clavier, il a fait l’adieu aux armes électroniques et c’est pour ça qu’on se retrouve tous les deux ici, vous avec votre ami au fond d’un trou et moi en face de mes ancêtres qui attendent dans le bronze, prêts à mourir. Moi, je dois en finir avec le carrelage lisse qui se placarde sur la surface de chacune de mes journées. Vous trois, vous deux maintenant, vous devez trouver la porte. Vous avez raison, il faut partir, à ce moment-là en l’écoutant je me dis que le chimiste a dû lui parler, elle continue, là-haut, c’est la grande paix bourgeoise. Elle est détrempée de prospérité et de compromis dans tous les coins, la science et technique se donnent la main et font la ronde pour le bien de tous. Le côté lisse, le côté rugueux. Le voisinage des morts c’est l’occasion de se poser la question. Vous êtes d’accord là-dessus ? » Elle a un grand sourire sur la figure qui touche presque les deux anneaux de ses boucles d’oreille. Ça lui fait un visage radieux. Elle continue son plaidoyer en marchant, mais c’est comme si elle mesurait chacun de ses pas pour les associer à ses paroles.

« Moi je me pose la question comme ça », son regard va par-dessus les arbres plantés le long du mur vers les bases des grosses tours noires grillagées de vitre, « cette cité laborieuse avec ses vibrations fait de nous ce que nous sommes, suffit de regarder la journée. Avec elle on pousse plus loin le principe de vie des insectes, pour devenir la seule espèce qui fait un élevage avec elle-même. La technique qui nous occupe la tête, c’est la petite sécrétion humaine. Tout est technique je me fabrique mon monde, je me fais un monde. Après tout ça, faut plus y penser », elle sourit en regardant le chat, le chat qui commence à suivre ses aller et venu du bout de ses yeux verts.

« La différence avec lui, le chat, c’est cette idée de fabriquer un truc. Ce truc de la construction planifiée outillée, tout ça pour qu’un jour l’industrie planifie le massacre et organise les transports de ma petite famille. Cette histoire de Faust est pas si mal conçue que ça. Ce n’est pas un contrat avec le diable, c’est une machination qui consiste à se fabriquer dans la machine elle-même. Qu’est-ce qu’on fabrique là-haut ? Simple, on se fabrique  nous-même, grand corps collectif d’insectes obsédés par l’extension du territoire.  C’est le truc qui vu de haut fait des routes où l’on se suit l’un derrière l’autre avec l’idée de la liberté dans la boîte à gants ou dans la radio qui diffuse l’information en continue.  Finalement l’homme a repris son destin d’insecte technique. Maintenant je demande si je dois partir, j’aime bien l’expression foutre le camp.

Bon allez faut qu’on y retourne, on remonte ? elle se lève et s’en va vers la porte du cimetière près des tours. »

Une feuille verte sur le sol a trois parties, trois lobes, elle est poussée par un souffle de vent. Le chat bouge va plus loin derrière un gros bloc de granit brillant. Le bras jaune et squelettique de la grue tour repasse en oscillant et porte un gros tube, une sorte d’étai horizontale qui va servir à tenir les bords de terre ouverts en attendant la construction des murs du parking.

Anna a raison, Maintenant, il faut remonter sans se retourner.  Il y en a qui sont perclus de rhumatisme, je suis perclus de questions. Je vais remonter là-haut. Ce soir à l’hôtel, je ferai mon bilan. Anna avant de partir de son côté m’a glissé dans la main, le petit morceau de racine lissé par la pluie et le soleil. Je n’ai plus qu’une fin de journée devant moi.

Je suis le dernier dans le cimetière au milieu des tombes au fond de la plaine de Puteaux, ça change des sols bétonnés de là haut. Il y a la terre pas loin,  les petits creusements des trous à cadavres n’ont pas secoués profondément cette terre et elle s’est nourrie des corps qui se décomposent sous les pierres tombales.  Sur les troncs des cerisiers l’écorce pèle en lambeaux horizontaux qui se roulent sur eux même. Un mur de faible hauteur fait toute la ceinture autour des tombes puis, viennent les routes, les immeubles pour habiter et l’usine de chauffage urbain qui  est alimentée en gaz par des trains de wagon citernes noirs.

Je vais rejoindre la cité des piétons employés, là-haut,  les hommes vivent devant des écrans rectangulaires comme ces tombes.

Pour remonter du cimetière faut prendre une rampe qui mène à la dalle où sont plantée les tours. On arrive alors entre le bistrot rutilant et le pied des tours. Le tambourinement des talons commence et devant chaque tour il y a le rassemblement des fumeurs. Ils vivent là, en réfugiés comme des petites industries à l’ancienne dont les cheminées fument encore. Aspiration, dégustation, expiration du petit bâtonnet blanc. Exclus des bureaux et des espaces communs, ils vont fumer dans le froid ou le chaud tout au long de l’année, debout la petite cigarette blanche coincée entre deux doigts les yeux levés et passe sur leur figure  la mimique qui marque le plaisir que procure l’arrivée de  la fumée dans les petits coins de poumons.

Devant, sur le parvis comme d’habitude on se croise, on se salue on s’ignore avec la ronde des taxis ou voitures noires pour gens importants qu’ont des bureaux plus grands que les autres.

Il faut ensuite monter quelques marches pour atteindre les portes à tambours qui enveloppent le passant avant de le laisser entrer sous un grand dôme de verre. Le sol est dallé en pierre beige et une grande sculpture en fer plat peint en rouge est accrochée au sommet du dôme. Elle descend presque jusqu’au sol et pointe une flaque d’eau dans une vasque d’acier inoxydable très peu profonde. Les dimensions de cette entrée font des individus des éléments d’une maquette, bâtonnets noirs et mobiles qui glissent sur le dallage comme des patineurs, ils sont surveillés du coin de l’œil par des hommes forts en costume noir l’oreille décorée d’un petit fil en spiral. Après je passe les portillons de verre qui s’ouvrent quand la carte de plastique a été lue par la machine électronique elle sait maintenant que je suis revenu retrouver le monde vertical. Le voyage en ascenseur, c’est un moment particulier parce qu’on est forcé à l’intimité dans une petite cellule sans fenêtre, on est comme ça hissé l’air de pas y penser dans une mine verticale creusée dans le ciel. L’odeur de l’eau de toilette est intense et se mêle avec celle du tabac froid. Il y en a qui lancent des bouts de phrases entre les têtes ; alors que d’autres gardent sur les oreilles les petits écouteurs à musique et émettent  le bruit d’une crécelle. Les plus civils vont souhaiter la bonne journée à chaque étage.

La chimère et l’algorithme

Comme le hasard fait bien les choses autant lui rendre la monnaie de sa pièce. Je viens d’autoéditer mon premier livre, une véritable satisfaction d’inventeur de foire. J’ai bricolé dans ma cave pendant quelques années, perdu des cheveux que je rassemblais au début sur les feuilles et à la fin sur le clavier de l’ordi. Avec ça, je me suis dit qu’écrire c’est mettre un peu d’ordre dans ses pensées pour constater qu’elles font ce qu’elles veulent.

Mais c’était bien, tous les matins un peu le soir et le constat régulier qu’on produit de l’écriture comme un petit animal méticuleux. Cette idée là, ça facilite l’écriture, les feuilles tombent, les vers de terre creusent et j’écris. C’est toujours la même fonction et vu comme ça, ça va avec la nature et tous ses cycles.

La question « est-ce lisible par d’autres ? » devient à l’étape suivante du cycle, j’écris d’autres lisent et ça rentre dans le grand compost et tout va bien.

J’aurais pu le publier aux éditions du fond de tiroir, mais ça va contre l’idée du cycle. J’ai tenté les Maisons d’Édition, mais le cycle ici c’est plutôt le recyclage du papier gâché et style contraint des lettres de refus.

Du coup, moderne jusqu’au bout de mes ongles bien taillés, je fais un blog. Parce que blog, c’est comme bug, bogue, tout ça fait des jolis mots dans le français. Faire un blog encore une petite production qui sonne bien comme un bref borborygme au moment de la digestion d’un truc plus consistant comme un livre. Voilà ce que je vais faire un blog. Pour dire et voir s’il y a quelque chose de lisible dans ce que j’ai écrit et faire rentrer ma production dans le grand compost.

J’aime bien l’idée de l’auto publication qui fait sauter les intermédiaires institués et qui devrait ouvrir le dialogue de proche en proche. Le proche en proche c’est toute ma morale, toute ma patrie. Un proche en proche sans limite où on peut encore discuter, histoire de déconner encore un peu si c’est possible à l’époque des Kalachnikov de rue et de la soupe religieuse qui fait fondre le bourgeois moderne et excite les désœuvrés du monde entier, pauvres exilés enfants d’Ève, mais c’est encore autre chose que le grand compost va rattraper.

Faut donc que je parle de mon petit livre encore tout coquillé de ses fautes mais prêt à bondir sur l’internet pour être frotté ou caressé page par page sur les petits écrans portables dans le secret d’une lecture métropolitaine.

Ça se passe à La Défense. Un lieu mythologique, une dalle, une grande dalle de béton faite de petites dalles couvertes de gravier. C’est la France du Bizness de la modernitude lancée en banlieue par notre grand Général d’après-guerre et ça tombe bien c’est presqu’au moment de ma naissance. Un endroit phénoménal parce que sélectif comme une niche écologique, il n’y a presque que des employés. C’est à dire des gens qui viennent là pour s’asseoir dans un bâtiment plutôt vertical devant un écran et vivre les heures de la journée. Il y a aussi deux cimetières, juste à côté aussi plats et calmes que le reste est agité et pointu. C’est un lieu à part, la mine moderne plantée dans le ciel. A mon avis, un jour prochain ça se visitera comme les pyramides ou comme Angkor Wat.

Donc mon histoire se passe là-bas et un peu dans le Paris normal, celui des rues avec tous les gens. Les personnages, de l’intrigue sont dans l’univers du trading de la banque d’investissement (la CIB pour les jargonautes), Le trading, une autre mythologie moderne, la partie qui fait le dernier morceau du Ring, le Crépuscule des Dieux. Mes personnages sont là-dedans, dans une salle de marché. Si je parle de ça c’est que j’ai traversé ce bout de monde et qu’il est curieux.

Une salle des marchés est une distraction de toutes les fins humaines, la pointe du libéralisme, une invention qui s’est faite comme ça par déduction, à force de répéter le marché, le marché et bien voilà une salle des marchés ou tous les marchés du monde vont trouver leur sens à eux, libérés enfin des contraintes du réel, restait les réseaux pour ficeler ce monde et voilà, la planète bleue brillante enveloppée par le marché.

C’est rigolo parce que c’est abstrait, si abstrait et sans finalité que c’est presque de la religion. L’abstraction, le calcul, les échanges par là on peut en déduire que c’est la voute céleste du monde libéral puisqu’on arrive à tout valoriser sans y penser en calculant. En passant devant les tours de bureau on ne s’en rend pas compte mais il y a de la magie dans cette illusion collective. Ici des gens s’occupent de rendre la planète mieux investies de richesses et pour ça, ils jouent. Ils jouent à être plus riche, plus vite que les autres, la vitesse tout est dans la vitesse. Le libéralisme dit cours, il faut maintenant courir plus vite Le père Freud disait, aimer et travailler, ici c’est aimer et devenir riche le plus vite possible.

C’est ce qu’on appelle le « trading haute fréquence » ou le High Frequency Trading. Mes ordinateurs rangés dans mon hangar et mes câbles en fibre optique seront plus rapide que toi. (pour amateurs du sujet « Flash boy ; Michael Lewis et ses critiques ….)

Quand ma petite histoire commence, la salle des marchés de la grande banque à La Défense est en crise. C’est que la crise financière se prolonge depuis plus de dix ans comme prévu et que la recherche du capital est devenue la recherche d’une ressource rare. Alors dans les banques, ils complotent, ils se bagarrent entre les algorithmes et les chimères et dehors on se cherche sur les sites de rencontre.

Bon ça se passe là-dedans mais avec un truc, le truc c’est que mes héros, parce qu’il y a trois héros, sont prisonniers de leur condition, c’est évidemment le clin d’œil libératoire.

L’intrigue : un des trois est mort et presque enterré dans un des deux cimetières. Voilà c’est l’intrigue qui coure, pourquoi il est mort comme ça ? Comment poursuivre la lutte contre les chimères et où est passé l’algorithme qui devait sauver la banque ?  Après il y a des questions, celles que je me pose et que les personnages prennent en charge, c’est bien normal, ils se trimbalent avec d’un bout à l’autre du livre et parfois ça dérive, c’est là que je pense qu’écrire c’est essayer de mettre de l’ordre dans ce qu’on pense pour constater qu’on n’a pas vraiment le choix. Voilà une production qui attend le grand compost…

Le lien vers le livre :  » La chimère et l’algorithme »